Faire payer les pauvres
Douze heures pour arbitrer les dépenses de l’Etat. Le Conseil national a entériné jeudi le budget 2025 de la Confédération. Il reviendra lundi sur les pupitres des sénateurs et sénatrices. Un document très droitier, comme il se doit, dans un parlement dominé par un bloc bourgeois hégémonique et guère porté au consensus.
Sans surprise, ce sera open bar pour l’armée. Celle-ci a obtenu une rallonge de 530 millions de francs, pour un total de 2,7 milliards. Un chèque en blanc, sans affectation claire. Mais on ne doute pas que Viola Amherd saura trouver un débouché à ces largesses.
Pour les partis de droite, la question est principielle: il s’agit de tenir l’objectif de porter les dépenses de sécurité à 1% du produit intérieur brut. Un raisonnement imparable à défaut d’être rationnel. De même, l’agriculture, tant mieux pour elle, échappe aux coupes. Mais sans doute pas pour les bonnes raisons: il s’agit de choyer le fonds de commerce de l’UDC, pas tellement de questionner l’efficience des paiements directs qui ne parviennent pas à éviter la concentration des exploitations.
Comme il faut bien compenser ces largesses – frein au déficit oblige –, des coupes ont été décrétées: 250 millions pourraient être soustraits à l’aide au développement. Quelque 16% des dépenses prévues pour aider les pays du Sud. Là aussi, l’heure n’est pas tellement à la réflexion, mais bien à l’assènement de dogmes chers à l’extrême droite, «les nôtres avant les autres». Et tant pis si l’on taille dans un des fondements de la politique étrangère suisse. Et qu’on affame ceux qui n’ont déjà rien.
Dans le même état d’esprit, l’asile devra se passer de 105 millions. Ce repli sur le réduit helvétique se mesure également dans une vison étriquée de la formation, même si les sommes sont évidemment moindres: les bourses allouées aux étudiants étrangers ou à la mobilité estudiantine passent également à la moulinette. Une vision court-termiste. Il est loin le temps où la Confédération pouvait s’enorgueillir du fait que le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan avait étudié à Genève.
On relève enfin que cette tambouille budgétaire se fait sans réflexion ou presque sur les rentrées fiscales. Comme le relève une étude d’UBS, la fortune des milliardaires a explosé en dix ans, avec une progression de 121% pour atteindre 14 000 milliards de dollars (12 300 milliards de francs)! La Suisse est l’un de leurs refuges les plus prisés. Mais, chut, même évoquer leur nom pourrait faire fuir ces petites bêtes si farouches de leur terrier.